La start-up grenobloise GreenWaves lève 20 millions d’euros pour produire sa puce d’IA embarquée (2024)

02 février 2023 \ 15h00

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Ridha Loukil

GreenWaves Technologies développe une puce sobre pour les applications embarquées d’intelligence artificielle dans les objets connectés. Cette jeune pousse grenobloise a annoncé jeudi 2 février avoir bouclé un nouveau tour de table de 20 millions d’euros, portant le montant des fonds levés depuis sa création à environ 32 millions d’euros. Parmi les investisseurs figurent Thales, Soitec, le ministère des Armées (via le fonds Definvest), Bpifrance (via le Fonds French Tech Seed) et le fonds français d’investissem*nt Innovacom. " Il s'agit de notre troisième levée de fonds, précise à L'Usine Nouvelle Loïc Lietar, cofondateur et directeur général de la start-up. Elle porte le montant des fonds mis à notre disposition à environ 45 millions d'euros en incluant le crédit impôt recherche, les subventions et les prêts garantis."

Fondée en 2014 par cinq anciens de STMicroelectronics, GreenWaves Technologies développe une puce qui offre les capacités de traitement d’un processeur mobile, mais pour une consommation d’énergie inférieure à celle d’un microcontrôleur banalisée. De quoi mettre l’intelligence artificielle à la portée d’objets connectés fonctionnant sur batterie, comme les capteurs de suivi de vibrations des machines tournantes, les capteurs de comptage de personnes dans le bâtiment, les caméras intelligentes alimentées par batteries, les patchs médicaux de suivi des signaux vitaux ou encore les minuscules écouteurs stéréo sans fil. Pour créer sa puce, l'entreprise a choisi de s’appuyer, non pas sur la propriété intellectuelle d’ARM comme cela se fait souvent, mais sur une technologie open source de processeurs, baptisée RISC-V.

Choix de la techno française FD-SOI

La start-up, qui compte aujourd’hui 42 personnes, dont 35 en France, et dispose d'implantations en Italie et en Chine, en est à sa deuxième génération de puce: GAP9. La levée de fonds va servir à lancer sa production en volume dans l’usine du fondeur GlobalFoundries à Dresde, en Allemagne, en technologie FD-SOI de 22 nanomètres, avec l'objectif de commencer les livraisons au quatrième trimestre 2023. Le choix de cette technologie française, portée par Soitec, constitue l’un des ingrédients clés des performances et de sobriété du composant. La puce GAP9 affiche une puissance de traitement de 50 milliards d’opérations par seconde pour une consommation de seulement 50 milliwatts. Par rapport à la première génération GAP8, fabriquée chez le fondeur taïwanais TSMC en technologie classique de 55 nanomètres, elle réduit la consommation par cinq tout en multipliant la capacité d’inférence, c’est-à-dire de traitement en intelligence artificielle, par dix.

Loic Lietar revendique une dizaine de projets d’application remportés à ce jour. " La moitié se situe dans l'Internet des objets, l'autre moitié dans trois segments de l'audio (les casques, les oreillettes et les aides auditives) auprès de clients européens et américains, indique-t-il. Avec le processeur GAP8 en production depuis 2020, nous somme dans les marchés niches de l'Internet des objets avec des volumes de quelques milliers à quelques dizaines de milliers par application et par an. Avec le GAP9, nous entrons sur le marché à grands volumes de l'audio avec la perspective de livrer des millions de pièces par client et par an."

Vers un marché de masse

La puce GAP9 semble rencontrer un fort intérêt auprès des constructeurs d’écouteurs stéréo sans fil, ce qui pourrait lui ouvrir un marché de masse prévu par le cabinet Counterpoint à 623 millions d’unités en 2025. GreenWaves Technologies pilote d’ailleurs un projet collaboratif visant le développement d’un design de référence français d’écouteurs stéréo sans fil basés sur son processeur. L’ambition est d’aider à la relocalisation de la production en France de cet accessoire de smartphone. L'opportunité est d'autant plus intéressante que chaque produit utilise deux puces.

Le nouveau tour de table se destine également à financer le développement de la prochaine génération de processeurs GAP10, avec le but d’enrichir les fonctionnalités, d’étendre la durée de vie de la batterie et de faciliter la programmabilité de la puce. Avec en ligne de mire de nouvelles applications, notamment dans l’automobile pour le déverrouillage automatique des portes, la surveillance du véhicule lorsqu'il n'est pas utilisé ou la diffusion d'un son spécifique à chaque passager. " La prochaine génération va quadrupler les performances et doubler l'efficacité par rapport à la génération GAP9, promet Loïc Liétar. Elle devrait entrer en production de volume à la fin de 2024 chez GlobalFoundries toujours en technologie FD-SOI de 22 nanomètres. Il est possible qu'elle soit fabriquée dans la future usine commune à STMicroelectronics et GlobalFoundries à Crolles, en France."

Malgré la livraison de près de 200 000 pièces de son processeurs GAP8, la start-up affiche un chiffre d'affaires modeste de quelques centaines de milliers d'euros en 2021 et 2022. Loïc Liétar place ses espoirs sur l'ouverture du marché audio avec la puce GAP9 pour passer à des millions d'euros de chiffre d'affaires en 2023 puis des dizaines de millions d'euros en 2024.